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Infinite in the Corpse's eye
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Infinite in the Corpse's eye
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19 janvier 2008

They all deserve to die...

Les passages en bleu contiennent d'importants spoilers, mettez en subrillance pour les lire.

sweeney_bras_complet

Je suis de ceux qui ont été déçus par la dernière période de Tim Burton.

J'aime énormément Sleepy Hollow, bien que le trouvant profondément creux. J'ai beaucoup de mal avec La planète des singes (ce n’est pas tant de la faute de Burton que de ses producteurs). Big Fish, je trouve ça extrêmement limite niveau propos (mais je veux pas relancer le débat) mais le pire reste la forme totalement banale, sans inspiration ou moindre éclair de génie. Charlie et la Chocolaterie distille, entre les scènes en CGI foireux et autres citations cinématographique incongrues, quelques instants de malaise ou l'imagerie lisse se fissure pour suggérer une réalité autrement plus sordide au delà des apparences: problème, il n'y a pas de propos subversif, ou alors si peu : taper sur des caricatures de mioches geeks adeptes de jeux-vidéos. Quand aux Noces Funèbres, il s'agit d'un revirement mercantile vers le pendant sombre de son auteur, version aseptisée et commercialisée de l'imagerie estampillée Burton: un peu ce que sont les Disney d'aujourd'hui à ceux de l'âge d'or du studio.

Je n'attendais donc pas Sweeney Todd avec la plus grande impatience (même si quelques rumeurs sur l’orientation du projet, la classification ainsi la présence de Sacha Baron Cohen ont attisés ma curiosité). Puis vinrent les premières critiques. On nous annonçais LE "retour" de Burton (si c'était pour un nouveau Noces Funèbres non merci).

Au final, il ne s'agit, à mon avis, pas tant d'un retour aux sources qu'un véritable « suicide ».
D'abord d'un point de vue commercial: une tragi-comédie musicale à la violence hardcore abordant des thèmes aussi familiaux que la vengeance sauvage et le cannibalisme avec un serial-killer comme personnage principal... le tout budgétisé à 50 millions de dollars. C'est déjà O_o 

Quand en plus le film s'avère être le jeu de massacre le plus nihiliste que Burton ait jamais pu concevoir...

Car oui, le cinéaste va bien au delà de tout ce qu'on aurait pu imaginer, dans la violence graphique comme dans l'immoralité, et avant tout dans sa démarche. "Bon alors les mecs, voilà, là pendant 2 heures, je vais détruire à peu près toutes les figures marquantes que j'ai pu créer pendant ma carrière". Tout y passe, de sa période pré - paternité à l’avènement des mioches et autre problèmes de pères.
Les freaks autrefois naïfs, tendres et merveilleux, deviennent les pires meurtriers (Edward Scissorhands amoureux fou d'une jeune Winona Ryder, jouant de ses lames au service de la beauté, laisse place à Sweeney Todd, courant après le fantôme de son amour perdu, jouant de ses lames au service de la cruauté humaine), les jeunes amoureux transits (Edward encore) sont totalement tournés en ridicule (le jeune matelot et sa chanson répétitive... Burton aurait inséré un carton "RIRE!!!" que ça n'aurait pas été plus efficace), l'"ex"-femme de Todd, interprétée par une actrice au physique entretenant certaines similitudes avec celui de Lisa Marie Smith, est égorgée par son propre mari, etc. Burton va jusqu'au bout de la démarche initiée dans Batman Returns, et plus loin encore.
Pendant ce temps, l’espoir de fonder une famille est présenté comme un rêve inaccessible, on tente de tuer les enfants et c’est finalement un enfant qui sera le bourreau de Todd, la nouvelle muse de Todd (jouée par la « nouvelle » compagne de Burton) est tuée par son amant, l'imagerie idyllique développée dans Big Fish et Charlie est totalement tournée en ridicule (la scène du rêve, hilarante, tout en restant l'une des séquences les plus touchantes ainsi qu'une clé nécessaire à la compréhension des 2 personnages principaux), etc.

On se retrouve d'un coup devant le film le plus désabusé et amer de Burton (déjà que Edward aux mains d'argent, Batman Returns ou Ed Wood n'étaient pas des modèles de joie et de bonne humeur).
Une tragédie bouffonne, triviale (il n’est souvent question que de bouffe, d’hygiène et de frustration sexuelle) ou l'humour noir est omniprésent, où l'on ne cesse de contempler l'absurdité des personnages, où l'on égorge à la chaîne les clients anonymes en chantant dans la joie et la bonne humeur...

Personne n'est à sauver.

Tout est là pour nous offrir un monument de nihilisme, particulièrement éprouvant sur sa fin (glauque, tragique, malsaine).
Si l’on excepte certains plans en CGI légèrement déplacés, et si l’on peut regretter que la B.O. (un peu fade AMHA) ne donne pas plus de souffle au métrage, le cinéaste et son équipe font des merveilles. Burton fait preuve d'une grande maîtrise dans la chorégraphie de ses séquences musicales, l'univers ésthétique mis en place est absolument superbe, des décors (parfaitement représentatif d'un monde/enfer en décrépitude, on est dans du pur Dickens) à la photo (grise-cendre virant méchamment au rouge flamboyant au fur et à mesure que le métrage avance).

sweeney_4

Mais cela ne serait rien si Burton ne faisait pas preuve ici de cette part de sincérité qui caractérise ses plus grands films. Sa caméra cerne les enjeux propres à chacun des personnages, souligne leurs névroses en un mélange de distanciation cruelle et de pure tendresse: Sweeney est d'abord présenté comme un fou-furieux misanthrope prêt à TOUT pour se venger… avant de nous être montrer comme un homme brisé (le miroir), et par un habile renvois à l'imagerie du court-métrage Vincent, il est enfin assimilé (dans le rêve de Miss Lovett) à un gamin renfermé sur lui-même, touchant dans son incapacité à être heureux.
Miss Lovett quand à elle nous est dévoilée tour à tour comme une grande naïve, pure version humaine de la Sally de L’étrange Noël de Mr Jack, ou tout simplement comme l’«épouse du diable »… mais au final, Burton dresse surtout le portrait tragique d'une femme victime de l'univers dans lequel elle a vécu (le début du métrage insiste assez sur les conditions de vie misérables des gens "d'en bas"), et qui est prête à TOUT pour avoir un peu du bonheur qu’elle n’a jamais eu.
Todd n'est pas tant une ordure qu'un homme brisé vivant dans un passé mortifère.
Miss Lovett n'est pas tant une « démone » qu'une femme brisée vivant dans des rêves impossibles.

Le film, au delà de son ton bouffon, de son traitement nihiliste et de sa triviale immoralité, est parcouru de moments comme ça, réellement tendres, dessinant peu à peu, avec intelligence et subtilité, le portrait de personnages bouleversants, dont les destins vont se nouer dans un final shakespearien marquant et sans la moindre lueur d'espoir.

Le film se conclue par l'un des plans finaux les plus cruels et les plus touchants vu dans la carrière du cinéaste : au milieu du sang et du feu, Todd et son ancien amour, enlacés dans la mort, le coup de grâce donné par un enfant.
Sweeney Todd n’est pas un retour aux sources, c’est un au revoir, la « mise à mort » tragique et douce-amère de personnages et d’un univers qui auront joué un rôle majeur dans l’évolution du grand monsieur qu’est Tim Burton.

Il faut espérer qu’il sera plus inspiré dans le changement qu’il ne le fut jusqu’à présent, mais son dernier chef-d’œuvre, son plus grand film depuis Ed Wood, laisse augurer du meilleur pour la suite.

sweeney_2

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Commentaires
C
Espérons qu'il sorte à Dreux, celui-là...
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